Images de femmes dans le cinéma de la Nouvelle Vague

18/09/2008

10/1999 . Femmes travesties : un « mauvais » genre

Geneviève SELLIER

sur http://clio.revues.org/document265.html


Résumé

L’émergence de la Nouvelle Vague au tournant des années 1960 peut se lire comme la revendication d’une posture créatrice relevant de la culture d’élite, dans un medium jusque là éminemment populaire, le cinéma. S’inscrivant dans une tradition culturelle particulièrement forte en France, ce nouveau cinéma va se conjuguer quasi-exclusivement au masculin singulier, et les figures féminines qu’il crée oscillent entre la prise en compte de l’émancipation des femmes réelles et des fantasmes romantiques et misogynes beaucoup plus archaïques. Ces contradictions sont explorées à travers quatre films de Godard, Chabrol, Varda et Resnais.

Abstract


The emergence of the « New Wave » within French Cinema at the beginning of the 1960’s can be read as a successful claim for a new artistic expression, in a traditionaly popular medium. In a cultural tradition very specific to France, this new generation of film makers were almost all male and offered new images of women fluctuating between an account of emancipated real women and romantic and misogynistic fantasy. Those contradictions are explored in four films by Godard, Chabrol, Varda and Resnais.

Plan

Instauration d’une politique d’aide qualitative
Émergence d’une nouvelle génération de cinéastes masculins
Ambivalence des images de femme chez Godard
Héritage flaubertien chez Chabrol
Agnès Varda : la seule femme cinéaste de la Nouvelle vague
Marguerite Duras / Alain Resnais : une collaboration exemplaire

Texte intégral

La Nouvelle vague, événement majeur de l’histoire du cinéma français depuis la guerre, a été finalement assez peu étudiée d’un point de vue historique, sans doute à cause de la dimension mythique que la doxa cinéphilique qui règne en France dans les milieux « cultivés » comme à l’Université, lui a donnée. Si les chroniques abondent sur ce tournant des années 1960 où s’invente en France le cinéma comme pratique artistique d’élite, leurs auteurs, qu’ils aient ou non vécu directement cette saga, répugnent à la mettre en perspective dans le contexte plus large de la modernisation de la France sous la férule de l’État gaulliste1.

Le privilège accordé à l’esthétique dans l’évaluation de cette période cruciale du cinéma français explique également l’absence d’études historiques des représentations filmiques, depuis les premières tentatives faites par des sociologues contemporains de l’émergence de la Nouvelle vague2. S’intéresser aux images de femmes présentées dans ces films qui se réclament d’une création artistique à vocation universelle (même ou parce qu’elle est essentiellement masculine) peut donc paraître iconoclaste. Pourtant nous tenterons ici de montrer que l’étude du contexte et l’analyse des représentations sexuées, loin de trivialiser la Nouvelle vague, permettent de l’éclairer et de mieux en comprendre les enjeux.

Instauration d’une politique d’aide qualitative

La chercheuse américaine Kristin Ross a tenté dans un ouvrage récent3 de montrer comment s’articulent en France au tournant des années 1960, la modernisation politique (le passage d’un régime parlementaire à un régime présidentiel), l’abandon progressif de l’empire colonial avec le rapatriement des ressources et des cadres, la modernisation économique (avec un nouvel appareil d’État technocratique et l’utilisation massive d’une main-d’œuvre immigrée), la modernisation sociale sur le modèle américain (privatisation de la vie sociale et société de consommation favorisant l’émergence de nouvelles couches de cadres urbains, expulsion dans les banlieues des couches « archaïques ») et la modernisation culturelle qui s’exprime à la fois dans la Nouvelle vague et le Nouveau roman, et dans l’engouement pour les sciences sociales.

Dans le cinéma comme dans d’autres domaines, l’intervention des pouvoirs publics est déterminante dans ce processus de modernisation : l’instauration de l’aide à la qualité puis bientôt de l’avance sur recettes pose les bases institutionnelles et économiques du « cinéma d’auteur ».

La politique d’aide publique au cinéma national inaugurée par la loi de 1948 consistait à reverser au producteur un pourcentage des recettes de son film précédent s’il s’engageait à les réinvestir dans une nouvelle production française, à partir d’une taxe perçue sur l’ensemble des films exploités en France. D’abord pensée comme provisoire, cette mesure permettait de prélever une part des recettes du cinéma étranger pour aider au redémarrage du cinéma français très affecté par la guerre et soumis à la concurrence hollywoodienne. Qualifiée d’aide automatique, elle atteint pleinement son but, mais produira bientôt un « effet pervers » par le privilège de fait accordé aux succès commerciaux aux dépens des films plus « difficiles » ou plus novateurs.

C’est pour y remédier que la loi de 1953 institue, à côté de « l’aide automatique » qui prend un caractère définitif, une « prime à la qualité »4, versée après réalisation à des films novateurs. Cette nouvelle disposition n’entrera en vigueur qu’en 1956, et Le Beau Serge de Claude Chabrol fut l’un des premiers films à en profiter. Dès l’arrivée au pouvoir de de Gaulle, le Centre national de la cinématographie (CNC) est rattaché au nouveau ministère des Affaires culturelles créé par André Malraux qui perfectionnera le dispositif d’aide à la qualité en créant l’avance sur recettes, versée avant la réalisation, sur présentation du scénario à une commission ad hoc5. C’est ce système, progressivement développé et de plus en plus complexe, qui régit encore aujourd’hui l’intervention publique dans la production filmique en France6. Cette politique d’aide (ou plutôt de redistribution des recettes) a été déterminante pour permettre au cinéma français de continuer à exister avec une identité propre face au géant américain et face à la télévision, devenue la première pourvoyeuse de la taxe. La situation du cinéma dans les autres pays européens est là pour en témoigner a contrario.

L’aide « qualitative » institue une légitimation culturelle issue des secteurs plus prestigieux de la création culturelle en France, comme la littérature et les Beaux-arts, dont Malraux et son Musée imaginaire incarnent une brillante synthèse. Si l’aide « automatique » peut s’interpréter comme une tentative réussie de privilégier la culture nationale contre un « impérialisme » extérieur, l’aide « à la qualité » introduit à l’intérieur de la production nationale un instrument de sélection dont les critères émanent d’une vision de l’art qui appartient à l’élite cultivée, dans un médium relevant jusqu’alors de la culture de masse.

Dans la période antérieure où tous les films relèvent, sur le plan économique, de la même logique de culture de masse, y compris ceux des cinéastes les plus exigeants qui tentent d’y inscrire un projet personnel, les films « importants » ne passent pas par la revendication directe de la subjectivité individuelle de leur auteur. C’est ainsi que Becker fait Casque d’or, Renoir Le Carrosse d’or, Bresson Le Journal d’un curé de campagne, Cocteau Orphée, Ophuls Madame de et Lola Montès, Decoin La Vérité sur Bébé Donge. Beaucoup de ces films se construisent autour du point de vue d’une femme, au sens fort car le personnage féminin est une instance de conscience et pas seulement un sujet social aliéné comme dans Madame Bovary. Ces films développent une capacité critique étonnante sur les effets de la domination patriarcale7. Mais ils datent tous du début des années 1950, et cette capacité critique d’un cinéma grand public tend à disparaître au cours de la décennie. On peut analyser ce phénomène comme l’indice d’un désir de retour à l’ordre, après le bouillonnement conflictuel de l’immédiat après-guerre : Renoir et Becker en témoignent involontairement avec deux grands succès commerciaux du milieu des années cinquante, French Cancan et Touchez pas au grisbi, tous deux résolument conservateurs et misogynes. La Nouvelle vague apparaît dans ce contexte comme un rejet légitime de conventions usées (même si les deux derniers films cités jouissent dans les Cahiers du cinéma de tout le prestige de leurs auteurs), mais le renouvellement qu’elle incarne est marqué par une grande ambivalence, que le privilège quasi exclusif accordé par le discours critique et universitaire aux questions esthétiques a jusqu’ici largement occulté.

Émergence d’une nouvelle génération de cinéastes masculins

Environ cent cinquante cinéastes font un premier film distribué commercialement entre 1957 et 1962 (une moyenne de trente par an contre une moyenne de quinze dans les années précédentes) ; parmi eux, pas une femme (Agnès Varda a fait son premier long-métrage, la Pointe courte, en 1954), ce qui donne une indication intéressante sur la non-coïncidence (pour ne pas dire la contradiction), en France du moins, à cette époque, entre modernisation, renouvellement créateur et émergence des femmes… L’appartenance de la plupart de ces jeunes réalisateurs à la grande ou à la petite bourgeoisie, le refus de beaucoup d’entre eux de tout engagement politique (à gauche)8 – décrété incompatible avec la liberté du créateur –, leur fascination pour le cinéma américain et leur refus de prendre parti dans les débats idéologiques français, est à la fois le terreau et la manifestation de leur implication profonde dans cette phase de modernisation qui vise à enterrer la société fortement conflictuelle issue de la Libération.

L’enquête menée par des sociologues en 1961 sur « les conditions d’apparition de la Nouvelle vague »9, en comparant deux corpus contemporains de films français, l’un grand public, l’autre « Nouvelle vague » entre 1957 et 1961, met en évidence de forts traits distinctifs entre les deux. En effet, les films « Nouvelle vague » situent tous leur intrigue dans le présent immédiat, privilégient la sphère de la vie privée, la proximité géographique, resserrent les actions sur une période très brève, mettent en scène le plus souvent des personnages dénués de passé, sans mémoire, sans projet ; ce sont des films qui ignorent les héros au sens fort de la littérature populaire repris par le cinéma grand public.

La répartition des sexes y est moins inégale que dans le cinéma traditionnel, même si les femmes restent minoritaires et plus souvent partenaires que protagonistes à part entière ; ces films se concentrent sur les problèmes sexuels de leurs personnages qui sont nettement plus jeunes que ceux du cinéma traditionnel. C’est un monde d’anti-héros, qui n’ont de problèmes qu’individuels dans un monde social stable, et qu’on ne cherche pas à nous rendre sympathiques, la seule participation demandée au spectateur étant de l’ordre de l’empathie, sans référence éthique.

Du point de vue sociologique, les héros de la Nouvelle vague appartiennent autant aux milieux favorisés que ceux du « cinéma de papa », mais l’argent les indiffère, sans pour autant que les pauvres soient sympathiques. Les problèmes professionnels des protagonistes jouent un rôle moindre que dans le cinéma traditionnel, dans un contexte de valorisation du temps de loisir. Mais l’oisiveté est souvent vécue avec une tonalité tragique, alors que l’investissement dans le travail sert de repoussoir. La notion de responsabilité n’existe pas pour ces personnages détachés des questions sociales et politiques Ils vivent dans un absurde quotidien directement hérité de L’Étranger. Dans cet univers nihiliste, les valeurs collectives n’ont plus cours.

La famille comme cellule sociale est morte. Les relations familiales ou conjugales sont perpétuellement en crise. L’infidélité est de règle, qu’il s’agisse d’un couple marié ou non. La plupart des rapports amoureux ont lieu hors mariage, et en dehors de toute perspective matrimoniale.

C’est une solitude orgueilleuse qui caractérise le héros (masculin) de la Nouvelle vague. Les rôles masculins sont fortement et explicitement sexualisés. Dans la plupart des cas, l’acte sexuel évoqué est le premier entre les deux partenaires. La passion est toujours récente et sans lendemain. L’irruption de l’amour est vécue comme un attachement menaçant, car le héros y perd sa disponibilité. Pourtant c’est cette vulnérabilité qui provoque l’empathie du spectateur. Presque tous les films de la Nouvelle vague tournent autour du thème de l’amour comme risque ultime et affirment de manière romantique la valeur transcendantale de la passion, alors que le quotidien du héros s’accommode souvent de la médiocrité.

La fin est souvent une « mort pour rien » qui frappe le héros. La plupart des fins sont pessimistes, impliquant l’échec du héros ; ou alors c’est une fin ouverte, mais sans happy end, parce que l’avenir est imprévisible, le destin capricieux, bien que le monde social soit pacifié ; l’individu, ne dépendant plus que de lui-même, y est débordé par l’excès de sa liberté.

Dans ce cinéma à la première personne du masculin singulier10, l’intrication entre les dimensions sociales, culturelles et sexuées de la revendication de liberté créatrice influence les représentations des rapports et des identités de sexe, et en particulier les images de femmes. On peut distinguer très schématiquement deux tendances.

Le plus souvent, les images de femmes sont la concrétisation fantasmatique d’une conscience masculine jalouse de son autonomie et arc-boutée sur la dénégation de l’Autre comme sujet. Les femmes sont mystérieuses et fascinantes, à la fois objet de désir et de méfiance, sinon de peur, qu’il faut souvent écarter pour pouvoir exister, à moins qu’elles ne finissent pas détruire le héros, volontairement ou non. Jeanne Moreau, la femme adultère d’Ascenseur pour l’échafaud (Louis Malle, 1957), Juliette Mayniel, la Florence des Cousins (Claude Chabrol, 1959), Jean Seberg, la Patricia d’À bout de souffle (Jean-luc Godard, 1959), Anouk Aimée, la Lola du film homonyme de Jacques Demy (1961), ou Nicole Berger et Marie Dubois, les figures jumelles de Tirez sur le pianiste (François Truffaut, 1960) sont montrées comme « objectivement » fatales pour le héros masculin, en particulier quand elles en sont amoureuses…

Mais il existe une autre veine, minoritaire, où les femmes sont les protagonistes principales de l’histoire : le regard de l’auteur est alors celui d’un « sociologue » qui décrit, avec plus ou moins de pitié ou de distance, l’aliénation sociale et sexuelle du personnage féminin, sur le modèle indépassable de Madame Bovary. Alexandre Astruc, le précurseur, en a proposé de brillantes variations avec Les Mauvaises rencontres (1955) et Une vie (1957), Louis Malle lui a associé un érotisme agréablement scandaleux dans les Amants (1958), Jean-Luc Godard en construit successivement une version romantique dans Vivre sa vie (1962) et une version moderniste dans Une femme mariée (1963). Seuls Agnès Varda et Alain Resnais (avec Marguerite Duras) parviennent à construire les protagonistes féminines comme des sujets de leur propre histoire.

Nous avons choisi d’analyser de ce point de vue le film manifeste de la Nouvelle vague, À bout de souffle, ainsi que Les Bonnes femmes de Chabrol (1960), exemplairement « flaubertien » dans son traitement des personnages féminins, pour leur opposer ensuite les deux seuls films « de femmes » de la Nouvelle vague, Cléo de 5 à 7 et Hiroshima mon amour.

Ambivalence des images de femme chez Godard

On peut analyser le héros du premier film Jean-Luc Godard, À bout de souffle (d’après un scénario de François Truffaut) comme une figure masculine héritée du romantisme, au-delà des effets modernistes de l’écriture que les commentateurs ont souvent privilégiés11.

La partenaire féminine de Jean-Paul Belmondo, Jean Seberg, est une jeune actrice américaine auréolée du succès international du film d’Otto Preminger, Bonjour Tristesse (1958), d’après le premier roman et best-seller de Françoise Sagan. Son accent américain et son statut de vedette hollywoodienne donnent au personnage de Patricia une aura que Godard utilise de manière ambivalente. Symbole de la fascination que les jeunes turcs des Cahiers du cinéma éprouvent pour le cinéma hollywoodien, elle incarne une jeune étudiante hésitant entre sa carrière et ses amours, sans que les spectateurs aient accès à son intériorité ; cette « étrangeté », au sens littéral comme au sens figuré, renvoie à un fantasme typiquement masculin de femme désirable parce que mystérieuse, incompréhensible, et par là même menaçante (la fin du film se chargera de mettre les points sur les i : elle « donne » son amant à la police).

La longue scène justement célèbre qui réunit Patricia et Michel dans la chambre d’hôtel de la jeune fille est un bon exemple de l’ambivalence du film. Godard oscille entre le fétichisme du gros plan quand il filme le visage et le corps féminins comme objets de désir, et une mise en scène plus distanciée qui tente de saisir les relations entre les deux personnages. C’est l’autonomie, la différence, l’isolement de chacun qui sont alors soulignés, en même temps que leurs tentatives à contretemps pour se rejoindre. Cependant, le film crée à plusieurs reprises une complicité entre le personnage masculin et les spectateurs, aux dépens du personnage féminin. Quelques instants après qu’elle l’ait giflé parce qu’il a soulevé sa jupe, il lui caresse les fesses sans qu’elle réagisse, pendant qu’elle pose une reproduction de Renoir dans son cabinet de toilette. Le plan, d’abord cadré jusqu’à la taille des deux personnages, panoramique légèrement vers le bas pour nous permettre de découvrir la main de Michel sur les fesses de Patricia, façon de rendre le spectateur complice de Michel.

C’est le personnage féminin qui possède la culture « légitime » (au sens de Pierre Bourdieu12) : elle parle de Renoir, de Bach, de Faulkner, de Dylan Thomas, etc., et chaque fois, Michel la rabroue grossièrement ou la contredit avec assurance, si bien que la culture de la jeune femme semble davantage un vernis social qu’un élément vital et intériorisé, comme ce sera le cas dans les autres films de Godard pour les personnages masculins, Bruno dans Le Petit soldat ou Ferdinand dans Pierrot le fou, par exemple.

Malgré son apparence décousue, la scène est structurée sur le désir de Michel de coucher avec Patricia et la résistance qu’elle lui oppose avant de lui céder. Le spectateur ne saura pas davantage pourquoi elle lui résiste ni pourquoi elle lui cède. On trouve là un vieux stéréotype des femmes incapables de connaître et d’assumer leur désir. La nouveauté tient sans doute au traitement que Godard en propose : Patricia ne nous est pas montrée comme une coquette, mais comme une jeune femme qui a des projets et des désirs contradictoires. Dans cette scène, le film prend acte de ses hésitations, de ses peurs (être enceinte) et de ses aspirations, mais ce ne sera plus le cas dans la scène suivante. Lorsqu’elle participe, en tant que journaliste, à l’interview de l’écrivain Roudinesco (Jean-Pierre Melville), le film se plaît à tourner en dérision ses ambitions professionnelles pour la ramener au statut de jolie femme, avec sa complicité souriante. Et la fin la fera basculer du côté du fantasme masculin de la femme fatale.

À bout de souffle développe donc un discours ambivalent sur les femmes : leur aspiration à l’autonomie les rend fascinantes autant que menaçantes. On retrouve ce trait dans d’autres films phares de la Nouvelle vague, comme Jules et Jim (François Truffaut, 1963) ou La Baie des Anges (Jacques Demy, 1962), tous deux centrés sur Jeanne Moreau, la seule star féminine associée à la Nouvelle vague.

À bout de souffle est donc assez représentatif du cinéma de la Nouvelle vague quant aux représentations des rapports et des identités de sexe : la plupart de ces films sont construits sur le point de vue d’un personnage masculin, plus ou moins alter ego de l’auteur, à travers qui nous découvrons le personnage féminin comme « Autre », objet (du regard, du désir masculin), et non sujet (de sa propre histoire).

Héritage flaubertien chez Chabrol

Symétriquement à ce regard sur les femmes largement hérité du romantisme, on trouve dans la Nouvelle vague une démarche plus « flaubertienne », dont le quatrième film de Claude Chabrol, Les Bonnes femmes (1960) est sans doute l’exemple le plus abouti.

Présenté par son auteur comme un regard matérialiste sur l’aliénation féminine, le film a été assez mal accueilli à sa sortie parce qu’il rompait avec le subjectivisme romantique qui caractérisait largement les films des jeunes réalisateurs associés à la Nouvelle vague (et de Chabrol lui-même). Mais il rompait tout aussi brutalement avec le populisme en vigueur depuis les années 1930. Cette vision idéalisée des classes populaires par des artistes petit-bourgeois souvent « de gauche » n’était pas exempte d’une certaine misogynie visant en particulier les figures de femmes autonomes (cf. La Belle équipe). Mais elle s’attachait à dénoncer l’oppression particulière des jeunes femmes exposées à la concupiscence des bourgeois et des patrons (cf. Quai des brumes ou Le Crime de M. Lange). Les années 1950 n’ont pas renié cette idéologie, même si elle s’exprime souvent d’une façon convenue, qui permet de sauvegarder une bonne masculinité patriarcale (cf. Des gens sans importance).

Le regard de Chabrol sur quatre vendeuses d’un magasin d’électroménager à Paris est totalement dépourvu des illusions rassurantes du populisme. Comme Flaubert avec Madame Bovary, il revendique un regard d’entomologiste pour décrire les diverses apparences que prend l’aliénation des jeunes femmes sans instruction dans le Paris contemporain.

Mais Chabrol ne s’en tient pas à un regard « sociologique » : dès la première scène, dans un Paris nocturne filmé avec toute la modernité de la Nouvelle vague, on sent une véritable jubilation de l’auteur à souligner la grossièreté de deux dragueurs d’âge mûr en décapotable blanche qui « lèvent » Bernadette Lafont et Clotilde Joannon, les emmènent au restaurant puis au cabaret, en espérant finir la soirée au lit, ce qui se réalisera au moins avec la première. L’insistance sur le grotesque des personnages et le caractère dérisoire des situations marque l’ensemble du film qui suit les quatre jeunes filles dans leur travail et leurs loisirs dans un laps de temps qui n’excède pas deux jours. Après une journée de travail interminable dans l’ennui du magasin, une deuxième soirée au music-hall, puis à la piscine, permet de dessiner les étroites limites de leur monde.

Mais le sommet de la dérision est atteint avec l’intrigue faussement romantique dont Clotilde Joanno, visage de madone triste, est l’objet. Le film introduit un suspense dès le début avec un personnage de motard flamboyant, joué par Mario David, qui la suit partout sans l’aborder jusqu’au moment où, à la piscine, il la protège contre les deux dragueurs devenus agressifs. Leur virée à la campagne, parodie explicite de romans-photos, se termine par un crime sadique : l’amoureux transi se révèle être un pervers qui étrangle sa victime consentante.

Pour enfoncer le clou, Chabrol propose sans transition une fin ouverte : dans un dancing, une jeune fille seule, aussi angéliquement belle et triste que la précédente, attend le prince charmant, qu’elle accueille d’un sourire extatique, en la personne du premier danseur venu, dont nous ne verrons que le dos…

Si le cinéaste réserve ses traits les plus acérés aux hommes dont ces jeunes filles sont immanquablement les victimes (chacune à leur manière : en les épousant, en acceptant de coucher avec eux, ou en se faisant étrangler par eux), l’absence totale de conscience de leur situation chez ces dernières, même fugitivement, place immanquablement le spectateur en position de supériorité. Et le fait de ne leur donner le choix qu’entre de minables don juans, une réplique de Monsieur Homais ou un psychopathe, témoigne de la dimension manipulatoire du film. Comme Flaubert, Chabrol n’adopte pas le même ton selon que ses « héros » sont des jeunes gens peu ou prou ses alter ego, aptes à susciter l’empathie du spectateur (comme dans Le Beau Serge ou Les Cousins, ses deux premiers films) ou des jeunes femmes, privées de toute individualité. Ce sont des “ bonnes femmes” qu’il construit, sous prétexte de décrire une aliénation sociale, comme des “Autres” radicalement dépourvus de conscience.

Même si le travail n’est pas une valeur dans le cinéma de la Nouvelle vague, on peut quand même remarquer que les scènes assez longues dans le magasin d’électroménager ne nous montrent jamais les jeunes femmes accomplissant un quelconque travail, ce qui rend totalement dérisoire leur statut social, et permet de ne pas aborder la question, pourtant bien réelle, de l’exploitation de ces jeunes travailleuses du tertiaire. Le harcèlement sexuel est implicitement tourné en dérision à travers le personnage grotesque du patron (Pierre Bertin) qui convoque ses vendeuses dans son bureau pour les « réprimander » sur un mode lubrique systématiquement euphémisé par le film, sans doute parce qu’une vraie scène de harcèlement aurait impliqué de prendre les personnages au sérieux, et suscité une identification des spectateurs aux victimes.

Film très maîtrisé dans sa structure et son ton, Les Bonnes femmes reconduit comme un constat « objectif » l’équivalence entre femme et aliénation, dans une tradition culturelle particulièrement vivace en France depuis le milieu du XIXe siècle.

Agnès Varda : la seule femme cinéaste de la Nouvelle vague

Dans ce cinéma à la première personne, il est logique que les seuls films qui construisent des personnages féminins comme instance de conscience soient réalisés par des femmes (au sens large, puisque Marguerite Duras n’est que la scénariste du film d’Alain Resnais).

Agnès Varda ne fait pas partie stricto sensu de cette nouvelle génération de cinéastes qui émergent à la fin des années 1950, puisqu’elle fait son premier long métrage, La Pointe courte, en 1954, alors qu’elle a déjà derrière elle une expérience de photographe de plateau au TNP. Mais le caractère très personnel de ce premier film, à la fois réflexion poétique sur le couple et documentaire sur un village de pêcheurs, ses conditions de réalisation en marge du circuit commercial, en font typiquement un « film d’auteur ». Cléo de 5 à 7, réalisé huit ans plus tard, en 1962, confirme qu’Agnès Varda s’inscrit de façon singulière dans cette nouvelle façon de faire du cinéma. Singulière d’abord, bien sûr, parce qu’elle est et restera la seule femme de la Nouvelle vague. Cette différence culturelle se construit ici dans un rapport de forces très défavorable aux femmes, renforcé par une tradition créatrice française dont Michelle Coquillat a montré brillamment la dimension d’exclusion des femmes13. De plus, dans le contexte d’un cinéma qui revendique une posture de créativité individuelle contre la culture de masse dominante, la question des rapports et des identités de sexe est surdéterminée par les rapports socioculturels.

Cléo de 5 à 7 raconte quasiment en « temps réel » deux heures de la vie d’une jeune femme, chanteuse de variétés, qui attend de savoir si elle est atteinte d’un cancer. Sandy Flitterman-Lewis a remarquablement analysé le caractère novateur de ce film qui raconte, avec une liberté formelle toujours jubilatoire et jamais gratuite, le trajet de cette femme qui passe d’objet de regard à sujet de regard et de conscience14 .

Le film est construit sur deux parties dramaturgiquement opposées : une première partie où nous voyons Cléo subir sa peur et sa vie sans pouvoir les maîtriser sinon sur le mode du « caprice » (selon le terme employé par sa gouvernante Angèle et par son musicien, joué par Michel Legrand). Après avoir répété une chanson qui ressasse la dépendance totale de la femme à l’amour (« Je suis une maison vide, sans toi […] Seule, laide, livide, sans toi… »), la caméra marque sa progressive prise de conscience par un lent zoom avant sur son expression tragique pendant qu’elle chante ; puis l’objectif recule brusquement et Cléo crie sa révolte contre cette image de femme aliénée à l’amour et à la beauté, dans laquelle les autres l’enferment. Elle arrache sa perruque et son déshabillé de plumes, symboles de sa féminité de mascarade et s’en va, vêtue de noir, seule pour la première fois.

À partir de là, le ton du film change : Cléo devient une instance de conscience qui regarde le monde autour d’elle pour s’apercevoir que sa notoriété de chanteuse est toute relative (dans le café où elle met sa chanson sur le juke-box, les gens ne relèvent même pas la tête pour l’écouter). En revanche, elle va retrouver une amie modèle dans un atelier de sculpture qui l’accueille chaleureusement, l’écoute parler de sa maladie puis la lui fait oublier en lui montrant un petit film burlesque15. Elle va ensuite se promener dans le parc Montsouris, où elle se laisse aborder par un soldat permissionnaire gentiment bavard (Antoine Bourseiller), qui va l’accompagner jusqu’à l’hôpital pour aller chercher le diagnostic médical. Le film se termine sur les deux jeunes gens se regardant face à face en se souriant, malgré la menace du cancer que le médecin vient d’annoncer à Cléo et de la guerre d’Algérie vers laquelle le jeune homme repart le soir même.

Cette histoire d’une désaliénation qui, dans une certaine mesure, reprend l’héritage du mélodrame féminin d’Hollywood16, déplace pourtant la problématique de l’aliénation du terrain des rapports de sexe à celui des rapports socioculturels. En ouvrant le film par une séquence très écrite (alternant couleurs et noir et blanc) où l’héroïne se fait tirer les tarots par une vieille femme, Varda inscrit fortement dans son film la place d’une forme traditionnelle de culture populaire, sur un mode à la fois empathique et distancié. Les superstitions vont former, à travers Cléo et Angèle, un véritable leitmotiv associant culture populaire, féminin et aliénation17. Cléo, au début, s’identifie totalement à la belle image de femme que lui renvoie son miroir, et qui flatte son amant pressé (José Luis de Villalonga). Son musicien lui propose des chansons d’amour (culture de masse) qui construisent une image de femme entièrement réduite à son identité sexuelle. Au contraire, les modèles alternatifs que propose le film dans la deuxième partie associent les « vrais » sentiments à la « vraie » culture, celle de l’amie modèle qui partage le goût de son amant projectionniste pour le burlesque distancié de la Nouvelle vague ; et plus tard, celle du permissionnaire cultivé qui lui rend son « vrai » nom de Florence, en lui révélant son sens étymologique !

La prise de conscience de l’héroïne passe donc par un changement de milieu culturel : le jeune homme érudit qui lui fait oublier sa peur (Antoine Bourseiller) a passé sept ans comme étudiant à la Cité universitaire. Là réside son charme au regard de la culture « cultivée ». Il incarne également un tragique proprement masculin puisque, appelé qui repart pour l’Algérie, il est, comme le jeune protagoniste d’Adieu Philippine (Jacques Rozier, 1960-1963), un mort en sursis. L’aliénation de Cléo/Florence apparaît finalement produite et entretenue par la culture de masse qu’elle incarne comme chanteuse de variétés.

Ce recouvrement de l’aliénation/oppression de sexe par l’aliénation socioculturelle témoigne de la posture contradictoire de la cinéaste Agnès Varda, qui ne peut montrer les rapports de domination de sexe que dans le milieu de la culture de masse dont elle s’écarte résolument par son projet artistique novateur. Son appartenance problématique (en tant que femme) à un milieu artistique où la créativité est associée « naturellement » au masculin, l’amène à en occulter les contradictions pour proposer une image idéale des rapports de sexe dans son milieu. Cléo de 5 à 7 témoigne ainsi de la place forcément contradictoire d’une femme créatrice dans ce domaine réservé de/à l’universel masculin qu’est la Nouvelle vague.

Marguerite Duras / Alain Resnais : une collaboration exemplaire

Hiroshima mon amour, le premier long-métrage d’Alain Resnais, est aussi en rupture avec les représentations dominantes de la Nouvelle vague, non seulement parce que l’itinéraire politique et professionnel de ce cinéaste engagé à gauche est fondamentalement différent de celui des jeunes gens qui gravitent autour des Cahiers du cinéma, mais surtout parce que ses films relèvent d’une autre logique que celui du courant dominant que j’ai tenté de définir dans les pages précédentes. Nulle trace chez lui de la posture romantique chère à la Nouvelle vague, ni dans le regard, ni dans la construction des personnages.

La créativité est pensée dans des termes non subjectifs, puisqu’il fait appel pour ces deux premiers films à des écrivains contemporains et novateurs (Marguerite Duras puis Alain Robbe-Grillet) avec lesquels il entretient des relations étonnament « égalitaires ». Last but not least, c’est avec une femme écrivain qu’il fait son premier long métrage de fiction, centré sur le point de vue du personnage féminin. Tous ces éléments font d’Hiroshima mon amour une sorte d’alternative in vivo aux choix opérés par la Nouvelle vague.

C’est sans doute la notion d’avant-garde, telle qu’elle est définie par Peter Burger18 , qui rend le mieux compte de cette posture créatrice. Il s’agit d’une tentative d’articuler l’art et une vision critique de l’ordre social, dont on trouve quelques exemples éphémères dans les années 1920 et 1930. Contre la théorie kantienne de l’autonomie de l’art qui s’épanouira dans le modernisme, émerge un art activement rebelle orienté vers les changements sociaux et vers l’autocritique de la société bourgeoise. Tentative de dépasser l’opposition entre l’art et la vie, entre culture de masse et culture d’élite, l’avant-garde est impensable sans les nouvelles technologies de production de biens, de médias et de loisirs ; mais elle tente de travailler sur les contradictions de la culture de masse plutôt que de se construire contre elle, dans une position de « distinction », qui caractérise le modernisme depuis Flaubert.

Le premier long-métrage de Resnais va en effet contre les tendances dominantes de la Nouvelle vague à plus d’un titre. Il place une femme comme principe organisateur du récit, celui d’une rencontre amoureuse avec un Japonais qui devient l’occasion pour elle (et pour nous spectateurs) de revivre une rencontre antérieure, celle avec l’amant allemand pendant la guerre. L’écriture du film tente de rendre compte du flux de sa conscience.

Par ailleurs, Duras et Resnais, en choisissant de raconter une histoire de « collaboration horizontale » du point de vue de la femme tondue, inscrivent la légitimité d’un point de vue féminin dans une perspective historique extrêmement provocatrice qui s’attaque au non-dit honteux de l’histoire officielle19. Hiroshima mon amour prend totalement au sérieux cette “histoire de quatre sous” d’une jeune fille française amoureuse d’un soldat allemand, en donnant une qualité lyrique extraordinaire à son évocation, tant par le choix des images, dépourvues de pittoresque, que par le leitmotiv musical qui transcende la distinction entre musique populaire et musique savante.

Enfin le choix d’une écriture qui transgresse les codes du cinéma dominant, et qui se veut associée à une conscience féminine, crée un lien organique, valorisant et inédit dans la culture française, entre créativité et féminité.

Resnais/Duras travaillent les contradictions socioculturelles, en organisant leur récit sur l’opposition entre l’histoire officielle et la mémoire individuelle. Le prologue, construit sur un contrepoint très « écrit » entre les images « documentaires » de l’histoire du martyre atomique d’Hiroshima et le dialogue entre les deux amants, est comme la description d’une impasse, avant la « vraie » rencontre entre histoire et mémoire qui permet aussi une « vraie » rencontre amoureuse entre ces deux individus venus d’espaces-temps radicalement étrangers.

Pourtant le voyage que fait l’héroïne dans sa propre mémoire, et qui est le sujet du film, est du début jusqu’à la fin suscité, stimulé, relancé, décrypté par son partenaire masculin, l’amant japonais (Eiji Okada) qui commence par nier la validité de son regard de « touriste » consciencieuse à Hiroshima (cf. la litanie « Tu n’as rien vu à Hiroshima… »), avant de susciter ses souvenirs traumatiques de 1944 à la manière d’un thérapeute. On voit bien la dimension critique de cette distance prise par rapport au discours de l’histoire officielle, au profit d’une histoire/mémoire qui passe par le vécu individuel. Mais c’est le personnage masculin qui opère cette critique et cette substitution. Lui-même n’est pas impliqué comme personnage, mais comme instance de légitimation : de là l’abstraction du personnage, qui est tout à tour un corps qui réveille des sensations/souvenirs, un regard qui interroge, le lieu d’une projection, une écoute empathique. Le cri de triomphe qu’il pousse quand elle avoue n’en avoir jamais parlé à personne d’autre, même pas à son mari, indique bien le sentiment de puissance provoqué par la réussite de cet « accouchement aux forceps ».

Les répliques finales où les deux amants, avant de se séparer, donnent sens à leur rencontre en se nommant (“Nevers” et “Hiroshima”), établissent entre eux une réciprocité. Dans la fiction – et le rôle narratif et énonciatif des deux protagonistes – est transposé le rôle inégal des deux auteurs du film, car la doxa intronise le cinéaste comme seul véritable auteur du film, en dépit du fonctionnement collectif de la création au cinéma.

Ainsi, même à travers les films qui rompent avec les représentations dominantes des identités et des rapports de sexe, le cinéma de la Nouvelle vague est révélateur de l’articulation qui s’opère dans la tradition française de la culture d’élite, entre la création artistique et une conception masculine de l’identité associée à la domination. Par rapport aux stéréotypes sociaux le plus souvent conservateurs du cinéma grand public de l’époque, les films de la Nouvelle vague proposent des images de femmes certes plus modernes et plus complexes, mais il s’agit davantage, et pour cause, de constructions fantasmatiques masculines que d’une exploration nouvelle des rapports entre hommes et femmes. Pour cela, il faudra attendre la première vague de films de femmes qui a accompagné le mouvement féministe des années 1970.

Bibliographie

BREMONT Claude, SULLEROT Evelyne et BERTON Simone, 1961, « Conditions d’apparition de la nouvelle vague », enquête présentée par Edgar Morin, Communications, 1.

BAECQUE Antoine de, 1991, Les Cahiers du cinéma : Histoire d’une revue, Paris, Cahiers du cinéma, 2 tomes.

——, 1998, La Nouvelle vague, portrait d’une jeunesse, Paris, Flammarion.

BONNEL René, 1978, Le Cinéma exploité, Paris, Seuil.

BOURDIEU Pierre, 1979, La Distinction, Paris, Minuit.

BROSSAT Alain, 1991, Les Tondues, un carnaval moche, Paris, Manya.

BURCH Noël et SELLIER Geneviève, 1996, La Drôle de guerre des sexes du cinéma français 1930-1956, Paris, Nathan.

BURGER Peter, 1984, Theory of the Avant-garde, Minneapolis, University of Minnesota Press.

COQUILLAT Michèle, 1982, La Poétique du mâle, Paris, Gallimard.

CRETON Laurent, 1994, Economie du cinéma, Paris, Nathan.

FARCHY Joëlle, 1992, Le Cinéma déchaîné, mutation d’une industrie, Paris, CNRS.

FLITTERMAN-LEWIS Sandy, 1996, To Desire Differently, Feminism and the French Cinema, New York, Columbia University Press.

GLEDHILL Christine (ed.), 1987, Home is Where the Heart is : Studies in Melodrama and the Woman’s Film, Londres, British Film Institute.

HYUSSEN Andreas, 1980, After the Great Divide : Modernism, Mass Culture, Postmodernism, Bloomington, Indiana University Press.

ORY Pascal, 1985, L’Anarchisme de droite, ou du mépris considéré comme une morale, le tout assorti de réflexions plus générales, Paris, Grasset.

ROSS Kristin, 1997, Aller plus vite, laver plus blanc : la culture française au tournant des années soixante, Paris, Abbeville.

SELLIER Geneviève, 1997, « La Nouvelle vague, un cinéma à la première personne du masculin singulier », Iris, 24.

Notes

1 De Baecque 1991 et Douchet 1998. Signalons parmi les ouvrages les plus récents une tentative intéressante d’approche socioculturelle de la Nouvelle vague (de Baecque, 1998) qui pêche toutefois par un aveuglement typiquement français sur les questions des rapports de sexe.
2 Communications 1961.
3 Ross 1997.
4 L’article 10 de la loi du 24 juillet 1953 « portant création d’un fonds de développement de l’industrie cinématographique » permet d’assurer un concours financier de 10 millions de francs aux films « de nature à servir la cause du cinéma français ou à ouvrir des perspectives nouvelles à l’art cinématographique ou à faire connaître les grands thèmes et problèmes de l’Union française ». S’y ajoute une dotation pouvant aller jusqu’à 10 % du fonds, réservé aux courts métrages de qualité.
5 Décret du 19 juin 1959. La commission, d’abord composée de fonctionnaires et de représentants des producteurs, s’ouvrira après 1968 aux réalisateurs et aux personnalités du monde culturel.
6 Bonnel 1978. Farchy 1992. Creton 1994.
7 Burch et Sellier 1996 : 217-306.
8 À l’exception notable du groupe dit de la Rive gauche (Resnais, Marker, Varda, Franju, Demy) que nous retrouverons – et ce n’est pas un hasard – à propos des figures féminines « alternatives ». En revanche, les liens étroits des jeunes cinéastes issus des Cahiers avec la droite littéraire, en particulier à travers leur collaboration régulière à la revue Arts dirigée par Jacques Laurent, n’est pas vécue par eux comme un engagement politique, mais comme une alliance « naturelle » entre intellectuels et artistes. Et en effet, l’anarchisme de droite est l’idéologie « spontanée » de beaucoup d’écrivains et de cinéastes en France depuis les années 1930 (Ory 1985).
9 Communications 1961.
10 Sellier 1997.
11 Sellier 1997.
12 Bourdieu 1979.
13 Coquillat 1982.
14 Flitterman-Lewis 1996.
15 Dans ce pastiche du muet fait par et avec la bande de copains de la Nouvelle vague, on peut reconnaître Jean-Luc Godard, Anna Karina, Jean-Claude Brialy. Cette dimension de « private joke » est typique des pratiques artistiques de cette nouvelle génération, qui revendique le droit de ne plaire qu’à ses pairs.
16 Gledhill 1987.
17 Sur cette association particulièrement forte dans la culture française, voir Hyussen 1980.
18 Burger 1984.
19 Il faudra attendre 1991 et le travail du philosophe Alain Brossat, pour que cet épisode peu glorieux de la Libération, qui concernait la plupart du temps des femmes de milieu modeste, fasse l’objet d’une recherche universitaire.

Geneviève SELLIER

Geneviève SELLIER, agrégée de Lettres modernes, s’est spécialisée dans l’histoire du cinéma et des représentations filmiques. Sa thèse sur Jean Grémillon (Méridiens-Klincksieck, 1989) analyse en particulier la nouveauté des figures féminines chez ce cinéaste dans le contexte du cinéma français classique. Une analyse critique des Enfants du paradis (Nathan, 1992) articule histoire politico-culturelle et analyse des représentations des rapports et des identités de sexe. En collaboration avec Noël Burch, La Drôle de guerre des sexes du cinéma français 1930-1956 (Nathan, 1996) propose une analyse historique des représentations filmiques en prenant en compte l’ensemble de la production française de l’avant-guerre, de l’occupation et de l’après-guerre. Enfin, elle a dirigé le numéro 26 (automne 1999) de la revue Iris (théorie de l’image et du son) sur l’apport des gender studies et des cultural studies anglo-américaines aux études filmiques.

Pour citer cet article

Geneviève SELLIER, « Images de femmes dans le cinéma de la Nouvelle Vague », Clio, numéro 10/1999, Femmes travesties : un « mauvais » genre, [En ligne], mis en ligne le 22 mai 2006. URL : http://clio.revues.org/document265.html.

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